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Embrun 1939-1945
5 février 2015

Les maquis des Hautes-Alpes

La Résistance va prendre de l’élan à partir seulement de 1943.

Après l’armistice, les Français voulant combattre l'occupant sont très minoritaires.  Une majorité de Français s’en remet à Pétain. Certains d’ailleurs pensent que Pétain et de Gaulle se sont partagé les rôles, pendant que Pétain négocie avec les Allemands pour atténuer les rigueurs de la défaite, de Gaulle à Londres prépare la revanche. L’aura de Pétain va commencer lorsque suite à sa rencontre de Montoire du 24 octobre 1940, il annonce qu’il s’engage dans la voix de la collaboration.

24 octobre 1940 Pétain rencontre Hitler. Le vaincu et le vainqueur.

Le contexte national

3 évènements vont favoriser le développement des maquis.

  1. L’éclatement du pacte germano-soviétique, le 22 juin 1941, lève l’ambiguïté des membres du parti communiste qui fonde les Francs-Tireurs et Partisans Français (F.T.P. ou F.T.P.F.). Moscou demande d'organiser une guerre de partisans derrière les lignes ennemies et terroriser l'ennemi.
  2. La dissolution de l'armée d'Armistice, une des réponses d'Hitler au débarquement allié du 8 novembre 1942 en Afrique du Nord. Des cadres de cette armée, de retour à la vie civile, vont rejoindre dès janvier 1943, l’O.R.A. (Organisation de Résistance de l'Armée), une organisation qui se veut apolitique, qui rejète de Gaulle au début et se reconnaît pour chef, le général Giraud. Les Hautes-Alpes passent sous occupation italienne.
  3. Le décret instaurant le Service du Travail Obligatoire du 16 février 1943 nécessite d’organiser des caches et le ravitaillement pour les jeunes qui veulent y échapper. Les jeunes qui ont 20 ans en 1940-41-42 doivent partir en Allemagne. 600 000 jeunes partiront, sur les 200 000 qui refuseront de partir, 50 000 trouveront refuge dans les maquis. Car ces derniers vont se retrouver avec une tâche immense : organiser la sécurité, le ravitaillement de tous ces jeunes. Le S.T.O. concerne beaucoup de familles qui voyant leur fils devenir esclaves de l’Allemagne vont s’éloigner par lassitude de Pétain.

 Dans les Hautes-Alpes, des maquis…

Avec l’instauration du S.T.O. le département des Hautes-Alpes qui compte 87 000 habitants doit fournir un contingent de 1 376 personnes. Seule la moitié partira. (1)

Les Eaux-et-Forêts, les Ponts-et-Chaussées, dont les membres par leurs contacts leurs facilités de déplacement et leur connaissance du terrain jouent un rôle important dans l'organisation des maquis(2)

Nicolas-Richiardi-Pianfetti-Boscodon

Simon Richiardi, Martial Nicolas, Georges Pianfetti à Boscodon. 3 jeunes réfracataires qui se sont cachés les premiers au maquis du Boscodon. Photo Georges Pianfetti

On peut également ajouter les cheminots S.N.C.F. C’est pour cacher les réfractaires que naitront les maquis du Boscodon, de Combe-Brézès,  Savines. La tâche est immense, et les maquis feront une contre-propagande pour dissuader les jeunes d’aller en Allemagne.

Affiche contre le STO

Tract contre le S.T.O. diffusé par le Front Uni de la Jeunesse et distribué dans la Drôme. Document Musée de la Résistance

… aux groupes de Résistance

En un second temps, ces maquis se transforment en structures de Résistance se préparant au combat. Ainsi, avec l’arrivée du lieutenant Eymin, le maquis de Combe-Brézès se transforme en maquis des Orres et fera plusieurs actions vers Châteauroux.

Les maquis de l’Armée Secrète (obédience gaulliste) seront progressivement encadrés par les militaires de l’O.R.A. Des sections Section Atterrissage et Parachutage (S.A.P.) sont chargés de repérer des terrains favorables à ces opérations. La S.A.P. d’ici sera sous le commandement de Monsieur Galetti, entrepreneur de Transport vers Guillestre.

Carte des maquis

Les maquis de l'embrunais commencent à apparaître en avril 1943 pour cacher les jeunes réfractaires au S.T.O. Les principaux maquis sont celui de Boscodon, Savines, Saint-Jean-des-Crots, Combe-Brézet - Les Orres et Pontis.

Au 1er juillet 1943 il y a 250 maquisards dont une trentaine de F.T.P. Les maquis ont peine à recruter dans cette fausse paix sous occupation italienne. En septembre 1943 les parachutages commencent.

Sous occupation italienne, la chasse aux maquisards est modérée comparée à l’occupation allemande. À Embrun ce n’est pas la priorité du commandant italien Mazzinghi qui s’arrange :

Celui-ci par un moyen quelconque avertissait la Résistance, quand ils devaient chercher les maquisards. (3)

Le 8 septembre 1943, l’armistice entre Italie et les Alliés et le retournement de situation entraîne la fuite des Italiens pourchassés par les Allemands qui occupent le département. Avec la Milice, ils s’attaquent aux maquis.

L’hiver 1943, certains maquis sont mis en sommeil (Boscodon). Comment se réfugier dans les montagnes sans se faire repérer (pas de feux) et organiser les ravitaillements ?

La mise en ordre de combat des maquis

En mars 1944, en exécution des instructions données par le Conseil National de la Résistance, les maquis (O.R.A., A.S., M.U.R., F.T.P.) s’unissent « sous l’autorité d’un même chef départemental, le Commandant Dumont, alias Paul Héraud, artisan chaisier à Gap (…). Ainsi prennent naissance les F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur). (…) Il est décidé que « l’on travaillera pour la Résistance, et uniquement pour elle, et que l’on ne fera pas de politique ». (1)

Paul Heyraud Commandant Dumont

Paul Héraud alias Commandant Dumont, chef départemental de tous les mouvements de Résistance en 1944 (FFI). Abattu par les Allemands le 19 août 44 (Collection Lebeau)

Ces arrangements politiques concernent peu les maquisards, une majorité d’entre eux ignore l’appartenance politique de leur groupe et ne la découvre qu’à la libération.

Un plan d'organisation militaire est élaboré par Héraud (...). Le département est divisé en secteurs qui ont chacun à leur tête un chef. Une école des cadres est installée au fond de la vallée bien cachée de Champcella (près de Freissinières), où les chefs locaux peuvent faire un stage de formation. (2)

Les maquis sont dirigés par un chef civil (chargé des relations avec la population) et un chef militaire pour les opérations. Cette nouvelle organisation va porter ses fruits, pour la répartition des parachutages et la mise en place d’un plan visant à paralyser les communications et déplacements des Allemands et de la Milice.

On note aussi la persistance de groupes informels qui se cachent dans les forêts, souvent sont mobiles, comme à Pontis, Morgonnet, sans basculer dans le combat armé, ni être encadrés par des organisations de Résistance (2)

Des durs combats dans tout le département (voir la chronologie des actions des Résistants)

Jusqu’en mai 1944, c’est surtout l’occupant qui attaque les maquis et lui porte des coups durs : dans le Champsaur, contre le groupe Morvan à plusieurs reprises, Aspremont… Il y a des arrestations et des rafles comme celle du Boscodon.

En juin 1944, le colonel Lebeau estime qu’il y a 1000 Résistants dont 260 F.T.P. Il y a ceux qui sont cachés dans les maquis - combattants et réfractaires (seulement 37 % des réfractaires au S.T.O. rejoindront les F.F.I.) -  et les Trentaines locales, des habitants qui continuent de vivre chez eux et travailler, mais qui sont mobilisables pour les opérations.

Car le 6 juin 1944, avec le débarquement des Alliés en Normandie, les maquis entrent véritablement en action.

Paralysie progressive de l’occupant sur fer…

Les groupes de Résistants vont paralyser les chemins de fer, qui servent à écouler les productions de l’Argentière, même si elles ont été réduites de moitié. Les sabotages se multiplient sur toute la ligne, Montdauphin, Veynes, La Croix Haute. Ponts, tunnels sont détruits et les réparations entravées. Ainsi des locomotives sont sabotées ou lancées à vive allure sur les chantiers.  Le 24 juillet 1944, les trains ne peuvent plus circuler sur tout le département.

44 Sabotage voie ferrée

Sabotage de pont sur la voie ferrée Veynes-Grenoble à Pont-la-Dame en juin 1944 (Collection Béraud)

… et sur route

Sur la route, les opérations (et la répression) seront intenses pour bloquer 3 axes principaux, en direction de Nyons-Valence, Grenoble par le col Bayard et par le Lautaret.

Vers Valence : Le 11 juin 1944, le groupe F.T.P. Morvan s’installe à la gendarmerie de Rosans et proclame cette région libérée. Les Allemands vont tenter de rouvrir la route en direction de Nyons. Le groupe attaque une importante colonne motorisée allemande à la sortie de Serres dans les gorges de Montclus, le 19 juin 1944. En répression, le village de Montclus sera incendié. Une mesure plutôt clémente dans le sens où il n’y aura pas de répression sur la population qui aura 1 heure pour prendre ses affaires puis sera éloignée du village.

Vers Grenoble via le Champsaur : Dans le Champsaur, les maquis attaquent les convois allemands, comme à Laye. Le village sera brulé, mais à partir du 18 juillet 1944, les Allemands ne s’aventureront plus dans le Champsaur.

Sur la route allant de Gap à Briançon, les attaques et sabotages se multiplient.  À Savines, c’est le coup de main des Eaux-douces avec en réplique la bataille du Plan de Phasy. À Prelles, les actions se multiplient. L’occupant ne peut plus sortir de ses casernes de Montdauphin.

Une terrible répression

Les Allemands vont utiliser les otages pour voyager, à l’avant des camions ( témoignage de Pierre Dumaine). Ils vont disposer aussi la population le long de la route, avec femme et enfants comme le 5 juillet 1944 du côté de Saint-Martin-de-Queyrières.

C’est vers le Lautaret que la répression sera la plus violente. On le verra, les garnisons n’ont plus le moral. Pour dégager la route vers le col qui mène à Grenoble, ce sont les Mongols (mercenaires russes particulièrement violents) qui entrent en action. Des habitants placés en avant du convoi sauteront sur des mines, 17 personnes (hôteliers, bergers) seront fusillées au Lautaret. La Grave et Villard d’Arène seront détruits et des femmes violées.

Chapelle des fusillés

Chapelle des fusillés au Col du Lautaret. C'est à cet endroit que le 11 août 1944, 17 personnes furent fusillées en représailles contre des actions de la Résistance.

Les Allemands démoralisés et immobilisés

Ce plan va porter ses fruits. Il n’y aura pratiquement pas de combats à la Libération (hormis Briançon du fait de son environnement géographique), les Allemands étant partis avant l’arrivée des troupes (Veynes) ou capitulant (Gap, Montdauphin).

Les Allemands surestiment largement le nombre et l’importance des maquisards, qui parfois utilisent la guerre psychologique :

Des Résistants s’enhardissent avec l’avancée des troupes alliées et se promènent en uniforme à Seynes, dans le Valgaudemar : « Faute de temps pour monter une armée, il fallait bluffer » explique le Colonel Hermine (1)

À la suite de ces actions de Guerilla et de tournées de propagande déclenchées dans tout le département, l’ennemi n’ose plus s’aventurer en dehors des garnisons de Gap et de Briançon. Le maquis par le mystère et la légende qui l’entourent est largement surévalué par les troupes d’occupation et la population. Cette surévaluation va créer parmi les troupes d’occupation une psychose d’isolement et de danger au cœur des montagnes, coupées des régions environnantes. (1)

Les courriers au départ saisis à Gap, au moment de la libération, montrent que les soldats allemands n’ont pas le moral. Ils craignent les F.F.I. : « J’ai eu beaucoup de chance, car pendant 3 semaines j’étais engagé dans les combats contre les partisans, ça bardait, car les partisans sont terribles » « Espérons que nous puissions nous en sortir de ce sale trou. Ça sent beaucoup la souricière où il n’y a pas d’autre issue » ; « Maintenant je commande un poste de garde ; comme il y a beaucoup de terroristes dans le pays, il s’agit d’être vigilants, ce travail est encore plus dangereux que d’être sur le front, car on ne sait pas d’où ces chiens nous tirent dessus » (4)

La Résistance a préparé le terrain à la Libération.


  En savoir plus

Chronologie des principales actions de Résistance dans les Hautes-Alpes


  Les sources 

(1) Henri Béraud La seconde guerre mondiale dans les Hautes-Alpes et l’Ubaye

(2) Sylvain Reynaud Les maquis de l'Embrunais secteur G de la Résistance des Hautes-Alpes. Mémoire de Maîtrise d'histoire.

(3) Roger Cézanne Nouvelle monographie de la commune de Crots .

(4) Richard Duchamblo Maquisards et Gestapo


 

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Bienvenue dans ce blog consacré à la vie embrunaise durant la seconde guerre mondiale : la vie quotidienne, les maquis, les acteurs, les bombardements, les victimes, les différents destins. De l'occupation italienne à la libération, le récit de ces 6 années à partir de documents, de mémoires tirés souvent à quelques exemplaires à compte d'auteurs et que l'on ne retrouve pas toujours sur Internet.

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