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Embrun 1939-1945
1 décembre 2011

Maquis du Boscodon, les caches

Carte des caches

Au fil des alertes, les maquisards du Boscodon vont changer de caches. Abbaye de Boscodon, ferme amie, cabane construite dans les bois, refuge dans des grottes... la vie sera souvent très rude.

16 avril 1943, au lendemain de la création du maquis du Boscodon, Marcel Imbert installe les premiers réfractaires aux Terrassettes point 01.

Le lendemain 16 avril, je regroupais dans un vieux chalet des Terrassettes appartenant à la famille Bernard les 8 hommes que j’avais déjà dans les fermes. Le maquis venait de prendre forme. Quelques jours après l’arrivée de plusieurs maquisards et jugeant que le chalet était trop près de la route du Morgon, je chargeais Antoine Guieu, le doyen de chercher un autre emplacement et l’aménager le plus rapidement possible. Le 24 au soir, je les fis déménager, car j’avais l’impression qu’il allait se passer quelque chose de grave. (1)

Les terrassettes

Ce qui restait 20 après de la cabane des Preis aux Terrassettes (Crots) qui abrita les premières heures du maquis du Boscodon. Photo Roger Cézanne


25 avril 1943  Une forte colonne armée italienne monte vers la Fontaine de l'Ours. Les maquisards se réfugient chez Désiré Faure, combe Izoard point 02.

Combre d'Izoard VS

La ferme de Désiré Faure de la combe Izoard (ou Isoard) qui servit de refuge. Photo Roger Cézanne

Nous arrivâmes en face d’un sentier traversé par un ravin venant de la Fontaine de l’Ours où risquaient de passer les soldats pour nous surprendre, mais je ne constatais aucun mouvement de troupes. Je surveillais le terrain et Guieu partit chercher nos armes [2 fusils de guerre cachés sous un sapin]. Ayant rejoint nos camarades, je décidais que puisqu’on les cherchait en haut, nous allions descendre et je les dirigeais sur une ferme : la combe d’Izoard. Cette ferme appartenait à Monsieur Désiré Faure et elle était très visible de la combe qui monte au Boscodon.(1)


Juin 1943 Alerte : la Gestapo est à Embrun. Le maquis de la Comlbe Brézès (voir carte ci-dessus) se réfugie au maquis du Boscodon. Ouverture d'un 2ème camp avec construction d'une cabane au lieu-dit Charance point 03. Ce camp sera appelé le camp De Gaulle.

Cache Charance

Cabane de bucheron construite à Charance. Camp n° 2 créé face à l'afflux de réfractaires. Photo Georges Pianfetti

Devant l’afflux de réfractaires, je me mis à la recherche d’un nouvel emplacement pour y former le camp n° 2 . Ce n’était pas si facile, car il faut qu’il soit à proximité d’un point d’eau et bien caché aux vues de tout le monde, et particulièrement des Italiens [troupe d’occupation à cette époque]. Ma grande connaissance de la forêt (Marcel Imbert est forestier à Crots) me permit d’avoir vite trouvé un emplacement pouvant recevoir une dizaine d’hommes au lieu-dit Charance, à trois quarts d’heures de marche au-dessus de la Fontaine de l’Ours (…) Là, aidé de quelques maquisards, nous construisîmes une cabane comme en font les bûcherons. Elle fut occupée (…) tout l’été (…). Pendant plusieurs mois, ce camp bien caché ne connut qu’une seule alerte qui motiva son déplacement dans une grotte à la limite des Hautes et Basses-Alpes [ Alpes-de-Haute-Provence ], mais le groupe revint bientôt à son point de départ. (1)

Cabane de Charance & maquisards

Cabane de Charance avec Marius Mauduech, André Michel , Simon Richiardi, Martial Nicolas, Louis Detomasi, Georges Pianfetti. Photo Georges Pianfetti

Charance & Maquisards

Replis de la Charance, virage de Bragous. Martial Nicolas,Georges Pianfetti, Simon Richiardi. Photo Georges Pianfetti


Le 6 juillet 1943 Nouvelle alerte.

Témoignage de Pierre Dumaine

La vie de bohème d’homme traqué, du jeune Français Résistant, recherché par l’ennemi (…) fut assez vite perturbée par une alerte brutale (…) annonçant l’arrivée de soldats italiens. Aussitôt ce fut l’escalade en forêt, une autre épreuve physique et morale. Cette épopée nous conduisit dans la forêt du Morgon ou un relais avec Monsieur Mourre de Savines nous permit d’être dirigé sur Boscodon et de là dans une sorte de grotte. (1)


Hiver 1943-1944

Mais à l’approche de l’hiver 1943-44, le maquis étant trop chargé, il faut trouver des solutions.

Fin octobre, je reçus un ordre me disant que le maquis étant trop chargé, d’informer les hommes qu’en vue de l’hiver qui s’approchait, et pour décharger les camps, ceux qui voulaient partir se cacher chez eux étaient autorisés à le faire et ceux qui ne le souhaitaient pas seraient logés dans des camps plus rapprochés de chez eux. Beaucoup acceptèrent de se faire cacher par leur famille, d’autres allèrent dans des camps qu’on leur proposait. (1)

Le maquis cachait aussi des Espagnols, républicains fuyant le franquisme et les camps de concentration (terme officiel de l'époque) que leur réservait l'État français.

Les Espagnols eux n’indiquèrent pas le lieu où ils se cacheraient, mais tous se donnèrent rendez-vous à Boscodon après la fonte des neiges en montagne, c'est-à-dire vers la fin mai 1944.  (1)

2 de ces espagnols seront arrêtés dans la rafle du 16 mai 1944.

Ceux qui ne partent pas trouvent refuge à l'Abbaye du Boscodon point 04, qui n'appartenait plus aux églises, mais était propriété privée. C'était le lieu d'habitation de Marcel Imbert.


14 février 1944 Nouvelle alerte : Marcel Barbier, secrétaire de Mairie d’Embrun informe Marcel Imbert de l’arrivée à Embrun de miliciens et de la Gestapo venant de Gap. Il faut partir en urgence à la Montagne puis à Fumoras, dans la neige abondante. Certains jeunes craquent.

Passant sur la place Barthelon, je vis venir à moi, Marcel Barbier, Secrétaire Général de la mairie d’Embrun, qui m’annonça qu’il avait été prévenu d’une forte colonne ennemie, feldgendarmes, miliciens et Gestapo, était réunie dans la cour de la caserne de Gap et devait se rendre à Embrun. Et maintenant me dit-il vous êtes assez grand pour savoir ce que vous avez à faire. Je fis partir Clairion [un de ses commis] où il devait dire aux maquisards de se tenir prêts à partir à la tombée de la nuit (…). (1)

 Cabane de Fémouras 01

Cabane de Fémouras Georges Pianfetti, Georges Faure, Marius Mauduech. Photo Georges Pianfetti

Arrivé à Boscodon, je rentrais dans le local où se trouvaient les jeunes. Ils étaient en train de jouer aux cartes, mais en rien prêts aux reproches que je leur adressai. Ils répondirent qu’ils en avaient marre de toujours déménager. Ordre leur fut donné de se trouver dans un quart d’heure avec sac et skis devant la maison Clairion et que je partais avec eux. Un quart d’heure après, quand je revins, ils étaient prêts à partir et il tombait neige à gros flocons. (…) Nous arrivâmes à 10 heures du soir à la maison Raso [point 05], à la Montagne, la dernière de la commune. Déjà, il y avait 50 cm de neige fraîche, et ça tombait toujours. Dans cette maison amie, nous fûmes comme de coutume très bien reçus et nous passâmes la nuit à l’écurie avec les vaches. Le lendemain matin, la neige avait cessé de tomber. Pour les maquisards, une nouvelle épreuve commençait, ils devaient se rendre dans une cabane de berger à Fumoras [point 06], loin dans la montagne, dans 1,40 mètre de neige. (…) Je donnais le départ (…) au bout de quelques jours, les maquisards ne pouvant se ravitailler ni en eau ni en bois rejoignirent Boscodon et la vie reprit son train habituel, théories, ski, chevalet de pointage, etc. (1)

 Cabane de Fémouras 02

Cabane de Fémouras Nicolas Martial, Marius Mauduech, Simon Richiardi, Georges Faure. Photo Georges Pianfetti

Il y aura d’autres caches :

(…) et puis, beaucoup moins confortable encore, une grotte dans l’Embourcette (rive gauche du Colombier) [point 07], plus tard aussi et pour quelques jours suite à une sérieuse alerte, la Baoumo de Tchaouvieus (grotte des corneilles) [point 08] sous les crêtes du Morgon (2)

 

Baoume des Chaouvieux VS

Baoume des Chaouvieux, grotte des Corneilles dans le cirque du Morgon. Pas indiquée sur les cartes. Très éloignée. Le fait qu'elle soit difficilement accessible et son éloignement font qu'elle ne fut utilisée qu'en dernier recours. Photo Roger Cézanne

Pour Roger Cézanne, qui enfant, habitait Le bois durant la guerre « [les] différents repaires sont des secrets de polichinelle dans le pays, à croire que l’ennemi et ses sbires s’en désintéressent ou les considèrent comme quantité négligeable. S’ils sont un jour trahis, ce sera par un des leurs. Je me souviens aussi pour l’anecdote, justifiant ce qui précède, de certaines après-midi récréatives organisées en pleine occupation, dans la salle de classe à l’école de la Montagne ou de Beauvillard, animées par des maquisards, où les enfants faisaient le guet.» (1) Pour lui, il n’y avait pas de collabo dans les hameaux au-dessus des Crottes.


Lire le témoignage de Pierre Dumaine, maquisard du Boscodon qui raconte sa survie et celle de ses camarades dans une grotte sous les crètes du Morgon [point 08] et le témoignage de Georges Pianfetti


(1) Marcel Imbert Le Maquis du Boscodon 1943-1945

(2) Roger Cézanne Nouvelle monographie de la commune de Crots .


 

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Notre site a déménagé. Plus beau, plus complet : https://embrun3945.wordpress.com/

Bienvenue dans ce blog consacré à la vie embrunaise durant la seconde guerre mondiale : la vie quotidienne, les maquis, les acteurs, les bombardements, les victimes, les différents destins. De l'occupation italienne à la libération, le récit de ces 6 années à partir de documents, de mémoires tirés souvent à quelques exemplaires à compte d'auteurs et que l'on ne retrouve pas toujours sur Internet.

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