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Embrun 1939-1945
13 novembre 2011

Rafle du Boscodon : chronique d'une trahison

Boscodon 1943

Boscodon à l'époque des faits, avec l'escalier et le balcon conduisant au logis de la famille Imbert, aménagé à l'intérieur de l'église.

La rafle du Boscodon fait suite à une trahison d'un maquisard. Y-a-t-il eu d'autres dénonciateurs ?

Marcel Imbert découvre après la guerre que la Gestapo était au courant des activités et des caches du maquis du Boscodon. Max Juvenal, chef de l’armée secrète lui révèle des documents trouvés à la Gestapo de Gap :

« Tu vois ces papiers, c’est ceux qu’on a trouvés à la villa Mayoli, siège de la Gestapo à Gap ; ton nom y est là-dedans, tu l’as échappé belle ! Les Allemands bien renseignés savaient ce que vous faisiez, toute votre activité, instruction, entraînement militaire, et ils attendaient le regroupement complet du maquis pour vous arrêter, mais ayant appris ton projet de les regrouper en montagne, ils décidèrent d’agir et d’arrêter ceux qu’ils pouvaient ». (1)

Ces renseignements ont donc été fournis par un traitre durant plusieurs mois.

Ce traître, Marcel Imbert l'a découvert peu avant. Mais il n'a pu prendre les dispositions nécessaires à temps :

Pendant l’hiver 1943-44, se tient à Savines une conférence donnée par des collaborateurs. Marcel Imbert s’y rend pour connaître la composition de l’assistance.

J’avais à peine pris place quand vint s’asseoir à mes côtés Teston [habitant Savines, qui fut membre du maquis, ] accompagné de 2 femmes. J’eus immédiatement des doutes et en sortant, je demandais à 2 résistants espagnols de surveiller le comportement de ce personnage et de me rendre compte de sa conduite (1)

T… de Savines venu au maquis en juin 1943 n’avait pas la cote d’amour. Ni l’un ni l’autre des 2 groupes formant le maquis [ camp n° 1 Liberté et camp n° 2 De Gaulle ] ne le voulaient. Il venait donc manger chez Marcel Imbert ou chez Liotard. En octobre [1943] il quittait le Boscodon. Il devait revenir un matin du 16 mars [en fait, le 16 mai] 1944.] (2)

Samedi 6 mai 1944, des Espagnols arrivent à Boscodon pour avertir que « Teston est rentré dans la Gestapo »(1)

Mardi 9 mai 1944, Marcel Imbert qui n'a pu se rendre avant à Embrun pour des raisons professionnelles demande des consignes pour évacuer le maquis et le mettre en sécurité : « Je fus même accueilli par certains par des quolibets et j’en revins écoeuré, n’ayant reçu aucune directive ».(1)

Dimanche 14 mai 1944 le maquis est invité au restaurant Raso à La Montagne à un repas avec des membres de l’état-major de Gap et Embrun, (Paul Ravel, Henri Vidoux). Marcel Imbert s’assure qu’il n’y a « aucune présence étrangère dans le secteur » avant l’arrivée de son groupe.

Après le repas, nous descendîmes dans la cour, les chefs restant seuls, un peu après je fus invité à les rejoindre. Ils me demandèrent de reconstituer le maquis rapidement [il avait été dispersé durant l’hiver 1943-44] à partir du 20 mai, car l’heure de la libération était proche. Quand nous nous sommes quittés, les jeunes étaient pleins d’enthousiasme, mais moi j’étais amer, car l’heure de replier le maquis auquel je m’attendais n’était pas venue (1)

 Marcel Imbert décide de prendre ses responsabilités :

(…) j’avertis les hommes de se tenir prêts à partir le jeudi [mercredi] 17 mai et de prendre tout ce qu’ils avaient, car ils retourneraient au maquis. J’avertis également les sédentaires d’avoir à nous rejoindre, soit environ 19 hommes, pour faire une marche d’exercice au Morgon. Je pressentais que la menace était proche.

La Gestapo est donc prévenue et intervient la veille de ce départ programmé et « arrêta 8 de nos camarades et 3 habitants qui furent déportés. 5 ne sont pas revenus » (1)

Paul Teston était-il le seul traitre ?

Un tel évènement aussi traumatisant va laisser de nombreuses traces et blessures.

Après la guerre, comme pour tous les maquis, ce sera le temps des soupçons et des rumeurs.


 

Stèle maquisards Boscodon

Les raflés :

Antoine Bernard Raflé comme habitant venant en aide aux maquisards. Il était « commis » de Marcel Imbert, travaillait donc pour lui. Le seul qui bénificiera de la clémence de ses geôliers et sera libéré quelques temps plus tard des Beaumettes.

Vincent Clairion Raflé comme habitant venant en aide aux maquisards. Il était « commis » de Marcel Imbert, travaillait donc pour lui. La rafle a eu lieu dans l’aile aux moines de l’abbaye, là où logeait Vincent Clairion. Déporté revint à la fin de la guerre « Quand on a eu connaissance de son retour, il fut le premier, ses parents, ses amis vinrent l’accueillir à la gare. Ils ne s’attendaient pas au triste spectacle qui allait s’offrir à leurs yeux quand ils virent sortir d’un compartiment un voyageur qui ressemblait à un squelette habillé en homme … » (1)

Manuel Cruz Maquisard raflé et déporté. Réfugié espagnol. Est revenu des camps.

André Dorelon Maquisard raflé et déporté. Est revenu des camps.

+ Georges Faure Maquisard raflé et mort en déportation, peut-être enterré à « Sambastel « (1) ( ?)

+ Aimé Imbert dit Émile Maquisard raflé et mort en déportation à la suite semble-t-il du torpillage du Cap Arcona, camp de concentration flottant, torpillé dans la baie de Lübeck.

+ Louis Liotard Habitant du Marquisat, raflé et mort au camp de concentration de Nuengamme.   {Voir l'article du Dauphiné Libéré}

Marius Mauduech Maquisard raflé et déporté. Est revenu des camps.

+ Martial Nicolas Maquisard déporté et mort à 22 ans au camp de concentration de Nuengamme. Lire son histoire.

+ Simon Richiardi Maquisard déporté et mort en Allemagne. Personne ne sait où.

Manuel Tena Maquisard raflé et déporté. Réfugié espagnol. Est revenu des camps.


(1) Marcel Imbert Le Maquis du Boscodon 1943-1945

 

(2) Richard Duchamblo Maquisards et Gestapo

 

Lire le témoignage de Léopold Arnoux sur Paul Teston (pdf)


 

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Bienvenue dans ce blog consacré à la vie embrunaise durant la seconde guerre mondiale : la vie quotidienne, les maquis, les acteurs, les bombardements, les victimes, les différents destins. De l'occupation italienne à la libération, le récit de ces 6 années à partir de documents, de mémoires tirés souvent à quelques exemplaires à compte d'auteurs et que l'on ne retrouve pas toujours sur Internet.

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